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Nourritures - Page 3

  • Presque anorexique

    Co-écrit avec l'auteur invitée Jennifer J. Thomas, Professeur en Psychologie à la Harvard Medical School.

    "Je suis inquiète pour ma fille. Elle n'est pas anorexique, mais presque."

    J'entends cette phrase tout le temps. Tout comme la psychologue clinicienne Jenifer. J. Thomas, co-auteur de mon dernier livre, Presque anorexique, quatrième volume de la série L'effet du "Presque" (The Almost Effect), par la Harvard Medical School.

     

    Alors que seul un adulte américain sur deux cents va développer une anorexie mentale dans sa vie, au moins un sur vingt (une sur dix parmi les adolescentes !) aura des problèmes de restriction, d'ingestion excessive et/ou de purgation alimentaires qui ne correspondent pas aux critères complets pour un diagnostic d'anorexie, de boulimie ou de troubles alimentaires compulsifs. Parce qu'on peut relier la plupart des gens luttant contre des problèmes de nourriture et d'image du corps à un état d'esprit anorexique qui valorise la minceur extrême et un contrôle continuel sur l'alimentation, nous appelons cette catégorie, autrefois sous-estimée, des "presque anorexiques".

     

    Quand je me débattais avec mes troubles alimentaires, j'ai attendu bien des années dans le purgatoire des presque anorexiques avant de recevoir, enfin, de l'aide ; je ne l'ai obtenue que lorsque les symptômes associés au diagnostic sont devenus flagrants chez moi. A l'université, je me rappelle très bien de deux étudiants ayant fait un exposé sur les troubles alimentaires dans un cours sur la communication en santé. J'ai écouté attentivement, curieuse d'entendre les définitions de l'anorexie et de la boulimie, mais sans jamais imaginer que je pouvais moi-même avoir des troubles alimentaires. Je ne dois pas avoir de problème, ai-je pensé.

     Source : http://www.huffingtonpost.fr/jenni-schaefer/anorexie-sante-troubles-alimentation_b_3778102.html

    Mais j'en avais bien un. Je me demande parfois si j'aurais cherché de l'aide plus tôt si cet exposé avait mentionné que la plupart des troubles alimentaires ne rentrent pas exactement dans les catégories des diagnostics.

     

    Certains ont cette idée fausse et dangereuse que la douleur et la souffrance qui accompagnent la presque-anorexie sont, d'une certaine façon, moins fortes que lorsqu'elles sont associées à de l'anorexie mentale. Ce qui explique pourquoi le Dr Thomas et moi entendons souvent dans les avions ou à des soirées : "Comment puis-je devenir presque anorexique ?", comme si développer volontairement des symptômes de troubles alimentaires avec un poids corporel moyen ou même au dessus de la moyenne était bénin, voire désirable.

    Mais la presque-anorexie ne signifie pas suivre un régime pour rentrer dans votre robe de soirée ou pour courir un semi-marathon avec vos amis. Selon des recherches du Dr Thomas - qui est aussi co-directrice du Programme de recherche clinique pour les troubles alimentaires au Massachusetts General Hospital -, les troubles alimentaires "moins perceptibles" peuvent être aussi sévères que l'anorexie mentale au niveau de la pathologie alimentaire, des complications physiques et d'autres problèmes psychologiques (soit l'anxiété, la dépression). De la même manière, le taux de mortalité des troubles alimentaires moins perceptibles est identique à ceux de l'anorexie mentale et de la boulimie.

    En réalité, la communauté médicale a un terme pour désigner ces syndromes moins perceptibles, mais c'est un peu complexe. Je n'en ai jamais entendu parler lorsque j'en souffrais moi-même. Selon le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-V, pour 5ème édition), on les nomme : "Other Specific Feeding or Eating Disorder" (OSFED). Dans la version précédente, le DSM-IV, on les nommait : "Eating Disorder Not Otherwise Specified" (EDNOS). Il est important de préciser que l'OSFED et l'EDNOS sont, en fait, des troubles alimentaires. Encore une fois, ces termes dénotent simplement des formes d'une maladie qui ne correspondent pas aux critères restreints de l'anorexie, de la boulimie et des troubles alimentaires compulsifs. Malheureusement, en dehors du domaine de la santé mentale, peu de gens connaissent ces termes spécialisés et il peut être troublant, voire invalidant, d'être diagnostiqué avec un acronyme.

    Selon McCall Dempsey, dont les symptômes correspondaient à cette dangereuse zone floue entre une alimentation normale et de l'anorexie mentale : "A l'époque, quand j'ai été diagnostiquée EDNOS, cela n'a fait qu'amplifier la voix dans ma tête disant : Tu vois, ça ne va pas si mal. Tu n'es pas assez malade."

    Mais quels que soient le chiffre sur la balance ou la spécificité de vos symptômes de troubles alimentaires, vous pouvez trouver du soutien. Nous encourageons les gens ayant des difficultés à ne pas laisser un truc métallique sur le sol de la salle de bain ou des mots dans un livre médical, interférer avec leur possibilité d'avoir de l'aide. De nouvelles recherches indiquent que bien des techniques utilisées contre l'anorexie mentale et la boulimie (comme le traitement basé sur la famille, et les thérapies cognitivo-comportementales) peuvent soulager les personnes souffrant de presque-anorexie.

    Si vous pensez que vous, ou l'un de vos proches, avez ce type de problème, vous pouvez faire un dépistage gratuit et anonyme sur www.almostanorexic.com. Les recherches montrent que plus les personnes reçoivent des soins tôt, plus elles sont susceptibles de s'en sortir. Les chiffres indiquent aussi (et mon expérience personnelle le prouve !) qu'une guérison totale est possible."

     

     

    Cette vidéo présente l'histoire d'individus dont les vies ont été touchées par la presque-anorexie.

  • L’art du laisser-dire

    Vous êtes vegan, (enfin c’est une façon de parler, si vous êtes vegan, vous êtes vegan, sinon, imaginez que vous l’êtes).

    Vous êtes vegan, donc, vous êtes en désaccord avec l’idéologie sociale.

    Pour la société il est normal de tuer ou d’enfermer des animaux, si c’est pour les manger, voire pour se divertir, s’habiller, etc.

     

    Pour vous, c’est contraire à l’éthique.

     

    Vous ne pouvez pas prendre la parole à chaque fois que quelqu’un émet une idée dans ce sens. C’est impossible.

     

    D’autre part, personne n’est insensible (contrairement à ce qu’affirment certains à leur propre sujet, mais j’y reviendrai) et personne n’aime tuer des animaux ou profiter du faut qu’ils soient tués, même si c’est loin de leurs yeux et de leurs oreilles.

    D’ailleurs, pour un grand nombre, ce n’est que grâce à cette distance (voulue et entretenue par la société) qu’ils peuvent endormir leur conscience et tolérer le massacre, et ainsi y participer malgré eux.

     

    Lorsqu’on rappelle la cruelle réalité aux gens, lorsqu’on leur glisse des éléments  qui leur font comprendre qu’ils se nourrissent de la chair d’êtres sensibles qui ont eu une vie de souffrance achevée prématurément par une mort violente, ils sont forcément mal à l’aise. Ce mal-être prend une infinité de formes. Mais la plupart des gens ne cessent pas de manger de la viande pour autant, ce qui est parfaitement normal (moi-même il m’a fallu plusieurs mois).

    Dans l’expérience de Milgram,des sujets obéissent à un scientifique (ou a une présentatrice tv dans sa variante, le jeu de la mort, je vous conseilel vivement le documentaire dispo sur le net), bref à une autorité, qui leur impose de faire quelque chose de désagréable pour eux: torturer un être humain.

    Si beaucoup de personnes obéissent (je ne donne pas de chiffre ici car cela dépend des variantes, voir wikipedia, ou mieux, lire le livre « la zone extreme »), la plupart des obéissants utilisent des stratagèmes (inconscients) pour se libérer de la pression engendrée par leur situation (qui est, je pense, réellement éprouvante).  Parmi ces stratagèmes, certains consistent à nier la personne torturée, par exemple en parlant en même temps qu’elle, ce qui fait qu’elle ne devrait pas pouvoir entendre les questions et y répondre.

     

    « La tension que ressent l’individu qui obéit est le signe de sa désapprobation à un ordre de l’autorité. L’individu fait tout pour baisser ce niveau de tension ; le plus radical serait la désobéissance, mais le fait qu’il ait accepté de se soumettre l’oblige à continuer à obéir. Il fait donc tout pour faire baisser cette tension, sans désobéir. Dans l’expérience de Milgram, des sujets émettent des ricanements, désapprouvent à haute voix les ordres de l’expérimentateur, évitent de regarder l’élève, l’aident en insistant sur la bonne réponse ou encore lorsque l’expérimentateur n’est pas là ils ne donnent pas la décharge convenable exigée. Toutes ces actions visent à faire baisser le niveau de tension. Lorsqu’il n’est plus possible de le faire diminuer avec ces subterfuges, le sujet désobéit purement et simplement. »

    (Wikipedia)

     

    Pourtant ils obéissent.

     

    Les gens qui mangent de la viande ont ce type de systèmes de défenses. Il s’agit de nier les animaux mangés (ils n’ont pas de conscience, ils ne sentent pas la douleur… Plus caricaturel: quelqu’un de tout à fait intelligent par ailleurs m’a dit un jour que les vaches n’étaient que des steacks à pattes sans émotions ni perceptions d’aucune sorte!). Ou encore, le sujet est écarté par un « mais les animaux sont bien traités » (des gens, encore une fois intelligents par ailleurs, m’ont déjà dit ça en mangeant de la viande d’un restau U, alors qu’ils savaient pertinemment que c’était de la viande industrielle).

     

    Bref je ne détaillerai pas ici ces stratagèmes de négation des animaux mangés, mais on pourrait en écrire des pages et des pages.

     

    Il existe d’autres mécanismes de défense parmi les gens qui mangent de la viande et ne veulent pas changer.

    Il n’est pas évident de changer ses habitudes de vie mais surtout il n’est pas évident de se remettre en question d’autant plus qu’admettre que manger de la viande est moralement condamnable, c’est non seulement renoncer à tout ce qu’on a appris, à tout ce en quoi l’on croit, mais c’est admettre que l’on a vécu jusque là en faisant quelque chose de mal (étape difficile pour devenir végétarien).

    Lire à ce sujet Psycholohie du crime de l’exploitation animale, un texte avec quelques erreurs mais dont l’idée est globalement très pertinente. En plus d’accepter avoir mal agi il faut aussi accepter que toute la société se conduit mal, et ça c’est très difficile. C’est cette rupture sociale qui rend le végétarisme marginal.

     

    Bref. Pour ne pas avoir à affronter cette rupture sociale, mais en même temps pour se décharger de sa culpabilités, certaines personnes entrent dans ce que j’appellerais la défense réthorique. Constatant que les végétariens ont un discours construit, ils vont  construire un discours opposé.

    Leur argumentation sera presque toujours basée sur ces points:

     

    1) Tradition:

    On a toujours fait comme ça, c’est naturel, donc c’est impossible ou contre-nature de changer.

     

    2) La santé

    De toutes façons, il est impossible d’être végétarien, puisque la viande est indispensable.

    Cela rejoint l’argument 1 (pratique: on a toujours fait comme ça car on ne pouvait pas faire autrement et on ne peut toujours pas).

    Quand on leur objecte que les végétariens vivent plus longtemps avec moins de maladies, ils contestent la viabilité des sources citées, sans citer d’autres sources. Ils parlent aussi très souvent de la B12, comme si elle était une preuve que le régime végétalien est contre-nature (a ce sujet, lire « les animaux emballages« : les omnivores ont de la B12 car les animaux qu’ils mangent sont supplémentés en B12).

     

    2) Une inquiétude soudaine pour la souffrance des plantes

    Les plantes sont des êtres vivants. A partir de ce constat, manger des plantes ou des animaux, c’est pareil. Dans leur discours, il est plus pertinent de comparer une carotte à une vache qu’une vache à un homme. Cette dernière comparaison est souvent qualifiée d’extrémiste.

     D'ailleurs un omnivore, mange beaucoup plus de végétaux via les animaux qu'il consomme friand de bouffe et d'eau en grande quantité (ce qui entraine davantage de pollution et de déforestation).

    3) Négation de sa propre sensibilité

    Certains se justifient en prétendant qu’ils sont insensibles à la souffrance animale. Si c’était le cas, ils n’auraient sans doute pas besoin de se justifier de manger de la viande. Quand on sait que certains viennent sur des forums végétariens pour expliquer qu’ils mangent de la viande car ils ne se soucient pas des animaux…

     

    Enfin, ces personnes parlent généralement d’environnement en réfutant les avantages d’un régime végétalien sur l’environnement grâce à des arguments spécieux de type « les vaches mangent de l’herbe donc il est faux de dire qu’on importe des céréales pour les nourrir ». (je suis actuellement au Brésil, pays ou la première cause de déforestation est la création de pâturages et de champs de soja pour nourrir le bétail, je dois dire que ces arguments ont du mal à passer quand je vois la beauté de la forêt que l’on détruit continuellement).

    En général ils ne prennent en compte qu’un seul aspect du problème écologique (utilisation de l’eau OU effet de serre OU utilisation des surfaces du sol OU pollution des sols, etc).

     

    Fat important: ces gens ne se positionnent pas comme un végan les considèrerait, c’est à dire passifs et subissant les choix de leurs parents ou de la société.

    Même s’ils s’appuient sur des arguments de type « on a toujours fait comme ça », ils prétendent toujours avoir CHOISI leur mode de vie (ou plutôt avoir choisi de ne pas le changer après y avoir, soi-disant, murement réfléchi, pesé le pour et le contre etc). Ainsi, ils sont la voix de la pensée unique, ils prennent la parole pour défendre non seulement leur comportement individuel mais aussi celui de la société entière.

     

    J’ai assez vite appris à ne plus répondre à ces gens.

    Pourquoi?

    Parce qu’on est pas dans le même débat. Je me fiche bien d’avoir raison ou pas, je participe à des discussions pour des causes un peu plus importantes que ça comme je l’ai dit en introduction. Je ne met plus mon égo sur la table lors d’une discussion sur internet. Or, ces gens veulent surtout avoir raison et prouver que les végétariens ont tort.

     

    Il est très important de ne pas entrer dans ce genre de discussions, car quelqu’un qui souhaite avoir raison finira assez vite par ne plus être rationnel (si ce n’était pas déjà le cas au départ). Plus vous lui objecterez des arguments censés et logiques, simples et cohérents, plus il tissera des argumentations compliquées et tordues pour ne jamais avoir tort. Pire, plus vous lui montrerez qu’il a tort, plus il essaiera d’avoir raison. Car en effet, s’il s’entête à vouloir absolument avoir raison, plus il continue, plus il continue, c’est un processus d’engagement; et plus il continue, plus il se sentirait bête en admettant qu’il a tort.

     

    D’abord, cela va être épuisant pour vous. Plus vous serez logique, rigoureux, plus votre interlocuteur dira n’importe quoi et s’embrouillera. Vous allez vous énerver face à tant de mauvaise foi, vous épuiser et perdre votre temps et votre énergie qui devraient être mieux employés.

     

    De plus, plus vous lui montrerez qu’il a tort, plus il cherchera à prouver qu’il a raison, et il risque de se mettre à diaboliser et stigmatiser le végétarisme autant qu’il le peut.

    Et quand on est pas rationnel, on peut prouver n’importe quoi. Peut-être est-ce ainsi qu’on se retrouve avec un Robert Masson? (pour qui, je le rappelle, les jeunes végétaliens sont des délinquants juvéniles en colère contre leurs parents qui volent des objets pour les échanger contre des oeufs ou du saucisson).

     

    Vous n’avez pas à prouver à ces gens qu’ils ont tort. Vous n’êtes pas là pour ça. Si vous êtes végétarien ou végan, vous êtes là pour défendre les animaux, prouver que vous avez raison est une perte de temps. D’abord parce que vous savez, vous, que vous avez raison, contrairement à l’omnivore défendant. Et ensuite parce que, de toutes façons, vous ne pourrez pas faire en sorte que tout le monde partage votre point de vue dans une société qui est en rupture avec votre idéologie, et ça, il faut vous y faire.

     

    Vous ne pouvez pas vous mettre en colère à chaque fois que quelqu’un dit quelque chose comme « tuer n’est pas grave du moment que c’est pour manger ». Ce genre d’affirmation ne repose sur aucune vraie logique, mais il ne fait qu’exprimer la pensée unique et vous ne pourrez pas la changer en un jour. Le mieux est de faire en sorte que la personne qui dit ça se pose des questions sur la valeur de ce qu’elle dit, mais si vous sentez qu’elle rentre dans un débat destiné à prouver qu’elle a raison, inutile de perdre votre temps.

     

     

    Si vous répondez à quelqu’un qui déclame le discours habituel, ce doit être uniquement s’il le fait en public, afin d’essayer de faire entendre une contradiction qui permettra aux gens qui liront de se faire une opinion le moins biaisée possible. Et encore, ne vous prenez pas la tête, et n’oubliez pas qu’être agressif vous fera passer pour le méchant, et que le méchant a toujours tort.

    via : lesquestionscomposent.fr

  • Contradictions

    Que fera-t-on des vaches quand on ne les mangera plus? Pourquoi le végétarisme est un choix de santé alors que sans viande on meurt? Sommes-nous des lions, d’autres animaux ou des créatures mi-anges créées à l’image de Dieu? Epicure mangeait-il au Macdo? Les questions composent… Débuts de réponse ici. Une petite liste non exaustive des contradictions viandesques.

    1)    « Y aura trop d’animaux » vs « Y aura plus d’animaux »

    Quand je suis devenue végétarienne, j’ai été surprise de m’entendre dire, alors que je refusais poliment un bout de barbaque en société : « mais si tout le monde devient végétarien » (je n’avais même encore jamais songé à cette éventualité), « il n’y aura plus d’animaux ». Je m’en fiche, répondis-je, étonnée (je n’avais pas encore l’habitude d’entendre des sottises à chaque fois que je refusais de la viande). Mon interlocuteur me répondit alors, d’un ton presque accusateur : « tu voudrais vivre dans un monde sans animaux » ?

    Cela m’a paru stupide, et si on me faisait la même réflexion aujourd’hui, je répondrais peut-être que c’est bien triste de considérer que les seuls animaux qui existent  sont les animaux domestiques et d’ignorer l’existence des animaux sauvages. Mais bon, il n’y a pas de réponse satisfaisante à une remarque aussi idiote,  puisque le raisonnement est tellement foireux qu’on ne peut pas dire en trois mots ce qui ne va pas dedans.

    Un peu plus tard, en errant sur la toile, je lisais quelques informations à propos de militantisme pour les droits des animaux. C’est alors qu’un commentaire attira mon attention. Très agressif, fustigeant les végétariens qui selon lui étaient arrivés aux ultimes stades de la démence, l’auteur attirait l’attention sur le sort réservé aux animaux si les gens arrêtaient de les manger. Toujours selon lui, ces animaux devraient tous être « euthanasiés » quand l’humanité deviendrait végétarienne, car on ne saurait alors pas quoi faire d’eux. Encore une fois, difficile de dire ce qui est le plus stupide : penser que si tout le monde devient végétarien pour sauver les animaux, on tuera les animaux dont on a plus besoin pour se nourrir ? Appeler « euthanasie » un meurtre de masse de bouches inutiles qu’on tuerait pour une raison économique ? S’imaginer que le monde va devenir végétarien tellement vite que la production d’animaux n’aura pas eu le temps de diminuer ?  Ou peut-être s’indigner qu’on tue des animaux qu’on devrait tuer parce que, heu, normalement on devait les tuer pour les manger, mais que si on les mange pas on devra les tuer, mais sans les manger, et ça, apparemment, c’est horrible.

    Depuis, il m’est arrivé de retrouver les deux interrogations, aussi bien sur internet qu’à table : « ça te dérangerait pas de vivre dans un monde sans animaux ? » et son opposée : « Qu’est-ce qu’on va faire de tous ces animaux si on devient tous végétariens ? »

    Grande inquiétude, d’autant plus grande qu’elle est double. Trop d’animaux, pas assez d’animaux, bref, le nombre des animaux va poser problème, un jour, quand tout le monde sera végétarien, et apparemment, c’est une raison pour ne pas le devenir.

    2)    D’ailleurs, le monde ne sera jamais végétarien.

    Oui, d’ailleurs, il y a ceux qui s’inquiètent des conséquences désastreuses d’un monde végétarien (qui libèrerait 70% des terres agricoles utilisées et mettrait probablement fin à la faim dans le monde,  mais je suppose que c’est une broutille par rapport à la question intello-masturbatoire « que fera-t-on de trop / pas assez d’animaux »),  et il y a ceux qui deviennent pas végétarien parce que, de toutes façons, le monde entier ne le sera jamais. A croire que l’intégrité personnelle à ne pas participer à quelque chose qu’on approuve pas est un concept qu’ils n’entravent pas. En toute logique, je suppose que  si on leur sert leur propre enfant vidé et roti, ils le mangeront, parce que bon, il est déjà mort, hein, alors bon, ça va pas le ressuciter, hein, pis on  peut pas changer le monde, ma bonne dame.

    3)    « C’est dangereux pour la santé » vs « c’est un choix de santé »

    Le sujet de la santé des végétariens préoccupe beaucoup les gens, même ceux qui se nourrissent de hamburgers et de bière. Ils ont beau perdre leurs cheveux et être toujours fatigués, vous avez beau être en pleine forme, ils s’inquièteront toujours de VOTRE santé. Le fer, le calcium, les protéines… « on en trouve dans les végétaux », que je répète. « oui mais c’est pas les mêmes ». Ha bon. La plupart des gens qui me demandent ou je trouve mes protéines ne savent pas en réalité ce qu’est une protéine, mais en tous cas, toutes les études scientifiques que je peux citer ne rivaliseront jamais avec l’intime conviction de leur tata janette qui pense que le jambon c’est la vie, et d’ailleurs ils connaissent un gars qui connaît un gars qui est végétarien et qui est tombé malade une fois en 1992, c’est sûrement le manque de rillettes, d’ailleurs il était un peu pâle. Bref, vous n’arriverez jamais à les convaincre que votre régime alimentaire est sain, même s’ils sont parfois obligés de constater que vous êtes en meilleure santé qu’eux, selon eux, bon ok vous tenez le coup, mais ça ne saurait durer, vous allez forcément flancher d’une minute à l’autre.

    A côté de ça, peut-être est-ce à force de répéter sur tous les tons que le végétalisme est un choix de vie sain, de plus en plus de gens s’imaginent que c’est uniquement un choix de santé qui n’a rien à voir avec l’éthique. Et de s’étonner de voir un végétarien fumer une cigarette ou faire un truc qu’ils n’estiment pas correspondre au cliché de la personne qui surveille tellement sa santé qu’elle se prive de bonne viande rouge (d’ailleurs c’est à cause de tels clichés que beaucoup s’imaginent que les végétariens mangent du poisson ; puisque le poisson est réputé être un aliment sain). Pourtant, je ne crois pas que le falafel soit l’aliment diététique par excellence. Dites « falafel » à un vegan, pour voir, il se mettra automatiquement à baver (s’il ne bave pas, c’est qu’il s’agit d’une sous-catégorie encore plus bizarre que le végan de base, genre un crudivore). Les falafels étant frits dans l’huile, ce test nous prouve automatiquement et de façon rigoureusement scientifique que le véganisme est un choix éthique avant tout.

    4)    Epicure vs l’épicurisme tel que compris par les beauf

    « Mais faire attention à sa santé, c’est nul », nous dit le viandard assumé. « Moi, j’suis un épicurien, je m’enfile des hamburgers à m’en faire péter le bide, parce qu’on ne vit qu’une fois. »  Quand on lui apprend qu’Epicure pronait la modération et était végétarien (quasi végétalien), l’omnivore bredouille. « mais heu l’épicurisme au sens courant du terme », m’a dit textuellement quelqu’un. Ha oui, au sens qui n’a rien à voir avec l’épicurisme, donc.

    Tout fiers de citer un philosophe grecs, quand on leur apprend qu’ils sont incultes, nos amis omnivores se renfrognent et admettent qu’ils n’ont strictement rien à péter de la doctrine d’épicure. Ils se disaient guidés uniquement par le plaisir, ils nous apprennent ensuite que finalement, apprendre ce qu’est le plaisir selon un philosophe grec dont le nom est devenu quasiment synonyme de plaisir, ils s’en fichent. Belle ouverture.

    5)    « On est des animaux » vs « on est pas des animaux »

    Une autre des conneries de base qu’il faut s’habituer à entendre quand on devient végétarien, c’est : « mais les animaux mangent d’autres animaux, (donc c’est naturel / sain / normal) »

    (sauf pour l’animal qui est mangé je suppose). J’ai fini par voir ça comme la pensée beauf de base à propos de la viande, quand un type dont j’oublie le nom a carrément écrit un livre pour dire que les animaux mangent d’autres animaux, que nous on est des animaux, et que CQFD, comme c’est brillant, on doit manger des animaux. Comme c’était un livre entier et qu’il fallait bien développer un peu plus, il ajouta que les végétariens « nient leur part d’animalité ».

    Ce qui est ridicule d’ailleurs, même dans la formulation, parce que puisqu’on est des animaux, on a pas une part d’animalité. On est des animaux, tout court. Ou alors, on a une part d’animalité qui est 100% de nous (peut-être compte-t-il dans son calcul les bactéries qui habitent notre corps ? mais je ne pense pas qu’elles nient quoi que ce soit). C’est comme si on disait qu’on a une partie humain, une partie animal, une partie mammifère, une partie être vivant, ça fait beaucoup de parties pour un tout. Evidemment, ce n’est pas ridicule que pour ça, mais bon, je souligne à quel point le raisonnement est débile. Apparemment, ne pas vouloir faire comme le lion qui mange la gazelle, ça veut pas dire qu’on pense qu’on est pas un lion, mais qu’on est pas un animal. Pardon d’enfoncer avec violence des portes grandes ouvertes, mais je suis un animal qui n’est pas un lion (ni un chat, ni un loup, ni ces trucs à crocs qui courent très vite à quatre pattes).

    Bon, on est des animaux, donc. Y a aussi des animaux qui se mangent entre eux, pourquoi pas manger d’autres humains ? Mais parce que voyons… On est pas des animaux ! (C’est là qu’on se rend compte que c’est utile de dire qu’on a une part d’animalité, ça évite d’admettre qu’on est des animaux comme ceux que l’on mange. Sauf que c’est un mensonge, scientifiquement nous ne sommes pas moins des animaux que la vache ou le fruit de mer.) Mais donc, pourquoi une vache mériterait-elle d’être mangée, et pas un humain ? Mais parce que l’humain est rationnel (ha bon ? on dirait pas, pourtant) et surtout parce qu’il a une conscience (et s’il s’en servait, ça pourrait être pas mal. Par exemple on pourrait utiliser sa conscience pour constater qu’il faut tuer des animaux pour manger de la viande et qu’on a le choix de faire autrement).

    6)    La viande, c’est trop bon

    Malgré toutes les excellentes raisons citées ci-dessus, la fin d’une discussion se conclue très souvent par «de toutes façons, la viande, c’est trop bon ». Pourtant, si manger de la viande c’est accepter notre « part d’animalité » (je me gausse), tout en se distinguant des stupides animaux inconscients qui méritent d’être tués contrairement à nous, tout en se préservant en vie parce que la viande est vitale, mais sans faire attention à sa santé parce que c’est pour les premiers de la classe, et que l’important c’est le plaisir épicurien mais pas la peine d’avoir besoin de s’intéresser à ce que disait Epicure parce qu’on s’en fout, et que ça permet en même temps de continuer à avoir des animaux et d’éviter de se poser la question de savoir quoi faire quand y en aura plus ou qu’y en aura mais qu’on saura pas quoi en faire… Malgré toutes ces excellentes raisons,  finalement si on mange de la viande, c’est parce que c’est bon.

    De surcroît,  l’omnivore qui est censé « manger de tout » a bien souvent très peur de goûter le nourriture végétalienne qu’il ne connaît pas, et ignorera toute sa vie si c’est trop bon ou pas. Le plaisir épicurien au sens non-épicurien du terme signifie peut-être « plaisir de tout faire comme je faisais jusque là ».

    Evidemment c’est une liste non-exaustive. On peut aussi citer, brièvement, d’autres contradictions :  « j’aime trop les animaux » (j’espère que tu n’aimes pas les végétariens…) au « je ne pourrais pas les tuer moi-même », (mais ça ne me dérange pas qu’une personne en situation précaire sous-payée doive le faire pour moi) et « je ne comprends pas pourquoi on est végétarien » parfois assez rapidement suivi de « arrête de parler de comment est fait la viande, ça va ma couper l’appétit ».  Il est également fréquent que les gens se présentant comme « adorant les animaux » disent les tuer eux-mêmes et que ça ne les gêne pas plus que ça. Bref on pourrait continuer longtemps.

    Cet article est dédicacé à tous ceux qui disent manger de la viande à l’aide de leurs canines, ça me fait toujours autant rire.

     

    via : lesquestionscomposent.fr