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Contradictions

Que fera-t-on des vaches quand on ne les mangera plus? Pourquoi le végétarisme est un choix de santé alors que sans viande on meurt? Sommes-nous des lions, d’autres animaux ou des créatures mi-anges créées à l’image de Dieu? Epicure mangeait-il au Macdo? Les questions composent… Débuts de réponse ici. Une petite liste non exaustive des contradictions viandesques.

1)    « Y aura trop d’animaux » vs « Y aura plus d’animaux »

Quand je suis devenue végétarienne, j’ai été surprise de m’entendre dire, alors que je refusais poliment un bout de barbaque en société : « mais si tout le monde devient végétarien » (je n’avais même encore jamais songé à cette éventualité), « il n’y aura plus d’animaux ». Je m’en fiche, répondis-je, étonnée (je n’avais pas encore l’habitude d’entendre des sottises à chaque fois que je refusais de la viande). Mon interlocuteur me répondit alors, d’un ton presque accusateur : « tu voudrais vivre dans un monde sans animaux » ?

Cela m’a paru stupide, et si on me faisait la même réflexion aujourd’hui, je répondrais peut-être que c’est bien triste de considérer que les seuls animaux qui existent  sont les animaux domestiques et d’ignorer l’existence des animaux sauvages. Mais bon, il n’y a pas de réponse satisfaisante à une remarque aussi idiote,  puisque le raisonnement est tellement foireux qu’on ne peut pas dire en trois mots ce qui ne va pas dedans.

Un peu plus tard, en errant sur la toile, je lisais quelques informations à propos de militantisme pour les droits des animaux. C’est alors qu’un commentaire attira mon attention. Très agressif, fustigeant les végétariens qui selon lui étaient arrivés aux ultimes stades de la démence, l’auteur attirait l’attention sur le sort réservé aux animaux si les gens arrêtaient de les manger. Toujours selon lui, ces animaux devraient tous être « euthanasiés » quand l’humanité deviendrait végétarienne, car on ne saurait alors pas quoi faire d’eux. Encore une fois, difficile de dire ce qui est le plus stupide : penser que si tout le monde devient végétarien pour sauver les animaux, on tuera les animaux dont on a plus besoin pour se nourrir ? Appeler « euthanasie » un meurtre de masse de bouches inutiles qu’on tuerait pour une raison économique ? S’imaginer que le monde va devenir végétarien tellement vite que la production d’animaux n’aura pas eu le temps de diminuer ?  Ou peut-être s’indigner qu’on tue des animaux qu’on devrait tuer parce que, heu, normalement on devait les tuer pour les manger, mais que si on les mange pas on devra les tuer, mais sans les manger, et ça, apparemment, c’est horrible.

Depuis, il m’est arrivé de retrouver les deux interrogations, aussi bien sur internet qu’à table : « ça te dérangerait pas de vivre dans un monde sans animaux ? » et son opposée : « Qu’est-ce qu’on va faire de tous ces animaux si on devient tous végétariens ? »

Grande inquiétude, d’autant plus grande qu’elle est double. Trop d’animaux, pas assez d’animaux, bref, le nombre des animaux va poser problème, un jour, quand tout le monde sera végétarien, et apparemment, c’est une raison pour ne pas le devenir.

2)    D’ailleurs, le monde ne sera jamais végétarien.

Oui, d’ailleurs, il y a ceux qui s’inquiètent des conséquences désastreuses d’un monde végétarien (qui libèrerait 70% des terres agricoles utilisées et mettrait probablement fin à la faim dans le monde,  mais je suppose que c’est une broutille par rapport à la question intello-masturbatoire « que fera-t-on de trop / pas assez d’animaux »),  et il y a ceux qui deviennent pas végétarien parce que, de toutes façons, le monde entier ne le sera jamais. A croire que l’intégrité personnelle à ne pas participer à quelque chose qu’on approuve pas est un concept qu’ils n’entravent pas. En toute logique, je suppose que  si on leur sert leur propre enfant vidé et roti, ils le mangeront, parce que bon, il est déjà mort, hein, alors bon, ça va pas le ressuciter, hein, pis on  peut pas changer le monde, ma bonne dame.

3)    « C’est dangereux pour la santé » vs « c’est un choix de santé »

Le sujet de la santé des végétariens préoccupe beaucoup les gens, même ceux qui se nourrissent de hamburgers et de bière. Ils ont beau perdre leurs cheveux et être toujours fatigués, vous avez beau être en pleine forme, ils s’inquièteront toujours de VOTRE santé. Le fer, le calcium, les protéines… « on en trouve dans les végétaux », que je répète. « oui mais c’est pas les mêmes ». Ha bon. La plupart des gens qui me demandent ou je trouve mes protéines ne savent pas en réalité ce qu’est une protéine, mais en tous cas, toutes les études scientifiques que je peux citer ne rivaliseront jamais avec l’intime conviction de leur tata janette qui pense que le jambon c’est la vie, et d’ailleurs ils connaissent un gars qui connaît un gars qui est végétarien et qui est tombé malade une fois en 1992, c’est sûrement le manque de rillettes, d’ailleurs il était un peu pâle. Bref, vous n’arriverez jamais à les convaincre que votre régime alimentaire est sain, même s’ils sont parfois obligés de constater que vous êtes en meilleure santé qu’eux, selon eux, bon ok vous tenez le coup, mais ça ne saurait durer, vous allez forcément flancher d’une minute à l’autre.

A côté de ça, peut-être est-ce à force de répéter sur tous les tons que le végétalisme est un choix de vie sain, de plus en plus de gens s’imaginent que c’est uniquement un choix de santé qui n’a rien à voir avec l’éthique. Et de s’étonner de voir un végétarien fumer une cigarette ou faire un truc qu’ils n’estiment pas correspondre au cliché de la personne qui surveille tellement sa santé qu’elle se prive de bonne viande rouge (d’ailleurs c’est à cause de tels clichés que beaucoup s’imaginent que les végétariens mangent du poisson ; puisque le poisson est réputé être un aliment sain). Pourtant, je ne crois pas que le falafel soit l’aliment diététique par excellence. Dites « falafel » à un vegan, pour voir, il se mettra automatiquement à baver (s’il ne bave pas, c’est qu’il s’agit d’une sous-catégorie encore plus bizarre que le végan de base, genre un crudivore). Les falafels étant frits dans l’huile, ce test nous prouve automatiquement et de façon rigoureusement scientifique que le véganisme est un choix éthique avant tout.

4)    Epicure vs l’épicurisme tel que compris par les beauf

« Mais faire attention à sa santé, c’est nul », nous dit le viandard assumé. « Moi, j’suis un épicurien, je m’enfile des hamburgers à m’en faire péter le bide, parce qu’on ne vit qu’une fois. »  Quand on lui apprend qu’Epicure pronait la modération et était végétarien (quasi végétalien), l’omnivore bredouille. « mais heu l’épicurisme au sens courant du terme », m’a dit textuellement quelqu’un. Ha oui, au sens qui n’a rien à voir avec l’épicurisme, donc.

Tout fiers de citer un philosophe grecs, quand on leur apprend qu’ils sont incultes, nos amis omnivores se renfrognent et admettent qu’ils n’ont strictement rien à péter de la doctrine d’épicure. Ils se disaient guidés uniquement par le plaisir, ils nous apprennent ensuite que finalement, apprendre ce qu’est le plaisir selon un philosophe grec dont le nom est devenu quasiment synonyme de plaisir, ils s’en fichent. Belle ouverture.

5)    « On est des animaux » vs « on est pas des animaux »

Une autre des conneries de base qu’il faut s’habituer à entendre quand on devient végétarien, c’est : « mais les animaux mangent d’autres animaux, (donc c’est naturel / sain / normal) »

(sauf pour l’animal qui est mangé je suppose). J’ai fini par voir ça comme la pensée beauf de base à propos de la viande, quand un type dont j’oublie le nom a carrément écrit un livre pour dire que les animaux mangent d’autres animaux, que nous on est des animaux, et que CQFD, comme c’est brillant, on doit manger des animaux. Comme c’était un livre entier et qu’il fallait bien développer un peu plus, il ajouta que les végétariens « nient leur part d’animalité ».

Ce qui est ridicule d’ailleurs, même dans la formulation, parce que puisqu’on est des animaux, on a pas une part d’animalité. On est des animaux, tout court. Ou alors, on a une part d’animalité qui est 100% de nous (peut-être compte-t-il dans son calcul les bactéries qui habitent notre corps ? mais je ne pense pas qu’elles nient quoi que ce soit). C’est comme si on disait qu’on a une partie humain, une partie animal, une partie mammifère, une partie être vivant, ça fait beaucoup de parties pour un tout. Evidemment, ce n’est pas ridicule que pour ça, mais bon, je souligne à quel point le raisonnement est débile. Apparemment, ne pas vouloir faire comme le lion qui mange la gazelle, ça veut pas dire qu’on pense qu’on est pas un lion, mais qu’on est pas un animal. Pardon d’enfoncer avec violence des portes grandes ouvertes, mais je suis un animal qui n’est pas un lion (ni un chat, ni un loup, ni ces trucs à crocs qui courent très vite à quatre pattes).

Bon, on est des animaux, donc. Y a aussi des animaux qui se mangent entre eux, pourquoi pas manger d’autres humains ? Mais parce que voyons… On est pas des animaux ! (C’est là qu’on se rend compte que c’est utile de dire qu’on a une part d’animalité, ça évite d’admettre qu’on est des animaux comme ceux que l’on mange. Sauf que c’est un mensonge, scientifiquement nous ne sommes pas moins des animaux que la vache ou le fruit de mer.) Mais donc, pourquoi une vache mériterait-elle d’être mangée, et pas un humain ? Mais parce que l’humain est rationnel (ha bon ? on dirait pas, pourtant) et surtout parce qu’il a une conscience (et s’il s’en servait, ça pourrait être pas mal. Par exemple on pourrait utiliser sa conscience pour constater qu’il faut tuer des animaux pour manger de la viande et qu’on a le choix de faire autrement).

6)    La viande, c’est trop bon

Malgré toutes les excellentes raisons citées ci-dessus, la fin d’une discussion se conclue très souvent par «de toutes façons, la viande, c’est trop bon ». Pourtant, si manger de la viande c’est accepter notre « part d’animalité » (je me gausse), tout en se distinguant des stupides animaux inconscients qui méritent d’être tués contrairement à nous, tout en se préservant en vie parce que la viande est vitale, mais sans faire attention à sa santé parce que c’est pour les premiers de la classe, et que l’important c’est le plaisir épicurien mais pas la peine d’avoir besoin de s’intéresser à ce que disait Epicure parce qu’on s’en fout, et que ça permet en même temps de continuer à avoir des animaux et d’éviter de se poser la question de savoir quoi faire quand y en aura plus ou qu’y en aura mais qu’on saura pas quoi en faire… Malgré toutes ces excellentes raisons,  finalement si on mange de la viande, c’est parce que c’est bon.

De surcroît,  l’omnivore qui est censé « manger de tout » a bien souvent très peur de goûter le nourriture végétalienne qu’il ne connaît pas, et ignorera toute sa vie si c’est trop bon ou pas. Le plaisir épicurien au sens non-épicurien du terme signifie peut-être « plaisir de tout faire comme je faisais jusque là ».

Evidemment c’est une liste non-exaustive. On peut aussi citer, brièvement, d’autres contradictions :  « j’aime trop les animaux » (j’espère que tu n’aimes pas les végétariens…) au « je ne pourrais pas les tuer moi-même », (mais ça ne me dérange pas qu’une personne en situation précaire sous-payée doive le faire pour moi) et « je ne comprends pas pourquoi on est végétarien » parfois assez rapidement suivi de « arrête de parler de comment est fait la viande, ça va ma couper l’appétit ».  Il est également fréquent que les gens se présentant comme « adorant les animaux » disent les tuer eux-mêmes et que ça ne les gêne pas plus que ça. Bref on pourrait continuer longtemps.

Cet article est dédicacé à tous ceux qui disent manger de la viande à l’aide de leurs canines, ça me fait toujours autant rire.

 

via : lesquestionscomposent.fr

Commentaires

  • Simplement GÉNIALES tes explications, je me régale !

  • Je vous conseille vivement ce site en référence en bas de l'article !

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