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Science - Page 2

  • Les dépressions cyclothymiques : de Hecker à aujourd’hui

    La majorité des cyclothymiques présente des états dépressifs et souvent c‘est la raison principale de consulter.

    C’est inéluctable. Ce sont les phases de la maladie qui font le plus de mal. Les patients et leurs entourages sont plus attentifs à ces phases de bas qu’aux moments de hauts, souvent considérés comme des phases de santé, voire même les phases « les plus saines » et normales. Cependant, ces phases sont de courte durée, plus courte que les phases dépressives au cours desquelles le sujet subit le contraste par rapport aux phases « hautes ».

     

     

     

     

     En reprenant les descriptions de Hecker et de Kahn

    La dépression se manifeste par un état d’inhibition psychomotrice extrême, une pensée confuse, lente, des sensations émoussées, l’impression d’avoir un mur érigé entre le sujet et le monde extérieur (la sensation d’un rideau qui tombe). La conversation avec les autres devient pénible et le travail devient une corvée, même pour les activités au quotidien les plus simples. Une anxiété intense est mêlée aux sentiments de tristesse et des gémissements ; les cyclothymiques sont les patients les plus plaintifs. Des pensées suicidaires, même inattendues (à ne pas prendre à la légère), qui sont atténuées et soulagées quand elles sont ouvertement exprimées.

    La perception de leur état comme une énorme souffrance ; ils sont envahis par l’absence totale d’espoir et de courage ; leur entourage croit que la rémission est impossible, malgré les épisodes antérieurs similaires ; et cela à cause du fait que « ça n’a jamais été autant grave que cette fois-ci » - ainsi chaque rechute dépressive donne l’impression que c’est la pire de toutes et les chances de rémission impossibles. Dans ces phases, les cyclothymiques ont tendance à l’évitement social ; ces personnes n’aiment pas être vues dans ces états de déchéance psychologique ; soit c’est à cause de l’inhibition physique (obligés de rester au lit) ou pour sauver la face. Ainsi, le cercle d’amis est protégé et mis à l’écart de cette souffrance. Mais le patient court le risque d’être incompris par ses amis.

    Quand ils se plaignent, ils rapportent plutôt des plaintes somatiques ce qui leur vaut l’étiquète d’hypocondriaques. Souvent, l’intensité de se plaindre est un indice d’une intrusion de symptômes hypomaniaques au sein de la phase dépressive.
    Un signe particulier : la persistance malgré l’état de fatigue et d’inhibition d’une tendance marquée à tout critiquer et à râler. Ils sont d’éternels insatisfaits ; ils se plaignent de l’état sanitaire de leur chambre, de la qualité des repas, de l’attitude des infirmières… Pour Hecker, c’est un point spécifique des cyclothymiques.
    Hecker utilise l’exemple d’une machine qui a perdu son huile et continue de fonctionner ; les roues qui se frottent péniblement – le résultat = un fonctionnement psychique pénible, douloureux et lent…

     

     

    Dans les études récentes

    Les dépressions cyclothymiques se démarquent des dépressions unipolaires et même des autres dépressions bipolaires (type II) par :
    - un âge de début précoce (avant l’âge de 20 ans)
    - un nombre de symptômes dépressifs plus important au sein de l’épisode
    - une fréquence élevée de certains symptômes dépressifs comme la culpabilité, les idées de mort et plus d’agitation psychomotrice (états mixtes)
    - un degré de récurrence plus élevé
    - une sévérité globale plus prononcée avec un score moyen sur l’échelle de dépression plus important
    - un risque suicidaire plus élevé
    - un taux le plus élevé de diagnostics erronés antérieurs
    - un niveau élevé du tempérament irritable (ce qui explique l’observation de Hecker)
    - un délai plus court du virage hypomaniaque sous antidépresseurs

    Les états dépressifs mixtes sont également plus fréquentes dans la cyclothymie. On s’attend dans la cyclothymie, à ce que les épisodes dépressifs ou hypomaniaques soient plus volontiers de nature mixte.
    Pourquoi la mixité ?
    Même en phase dépressive, on ne perd pas sa cyclothymie. Ce mélange de dépression et d’instabilité fait que les symptômes de haut et de bas co-existent et se superposent. Donc, survenue des dépressions irritables, agitées, avec excitation mentale, une tension interne intense…

    Pour Hecker, la dépression cyclothymique est totalement différente de la simple mélancolie. En fait, il y a plus d’inhibition, un désir de suicide pressant, un besoin excessif de sommeil (dans la mélancolie, le sujet dort mal), une intrusion constante d’indices d’excitation hypomaniaque avec cette fâcheuse tendance à critiquer tout… De plus la survenue brusque, l’âge de début précoce et la durée plus brève, différencient la dépression cyclothymique de la mélancolie commune ou initiale.

    Source Auteur : Dr Hantouche
    "J‘apprends à gérer ma cyclothymie", éditions Josette Lyon, 2010

  • « Aider le patient à s'adapter à ses troubles bipolaires»





    Diagnostic, prise en charge, traitement... Le point sur les troubles bipolaires avec le Dr Christian Gay, psychiatre à la clinique du château de Garches et cofondateur de l’association France Dépression.




    Quand dit-on d'une personne qu'elle est maniaco-dépressive ?

    Dr Christian Gay : Aujourd'hui, on ne parle plus vraiment de troubles maniaco-dépressifs mais plutôt de troubles bipolaires de type 1. En effet, il existe différentes formes de troubles bipolaires, que l'on distingue les unes des autres d'après l'intensité et la fréquence des symptômes. De manière générale, lorsque l'on parle de troubles bipolaires de type 1, on fait référence à une alternance entre des phases d'excitation et de dépression. Entre les deux, il y a des périodes normales, que l'on appelle les intervalles libres. Si aucun traitement n'est entrepris, il y a un risque d'accélération des cycles et présence de symptômes résiduels durant les intervalles libres. C'est ainsi qu'après quelques années sans traitement, le trouble qui était périodique peuit devenir chronique. Selon l'Organisation mondiale de la santé, les troubles bipolaires sont la 6e cause de handicap dans le monde chez les personnes âgées de 15 à 44 ans et occupent la 9e position de nombre de "daly" (nombre d'années de vie perdues ou d'invalidité). En France, les troubles bipolaires de type 1 et 2 concernent entre 1% et 2% de la population.

    Quelles sont les différentes formes de troubles bipolaires ?


    Il en existe 5 :

    Troubles bipolaires de type 1 : ce sont des troubles maniaco-dépressifs à proprement parler. Si une phrase devait résumer l'état d'esprit des patients qui en souffrent, ça serait "je suis le champion du monde toutes catégories et rien ni personne ne pourra me déloger de mon piédestal". Un sentiment d'invincibilité, de puissance caractérise le malade qui est dans un délire de grandeur.

    Troubles bipolaires de type 2 : ils sont plus fréquents mais restent sous-évalués car les manifestations sont plus discrètes et moins prononcées que dans le type 1.
    Le tempérament de la personne qui en souffre reste assez nuancé : elle respire une certaine joie de vivre, réduit son temps de sommeil, a une sensibilité exacerbée... Ces personnes arrivent à rester intégrées mais elles peuvent facilement se mettre en péril à cause de leur optimisme naïf.

    Troubles bipolaires de type 3 : ce type de troubles s'exprime par un état de surexcitation suite à la prise d'antidépresseurs.

    Troubles bipolaires de type 4 ou troubles cyclothymiques. Dans ce cas, il y a alternance de phases atténuées avec des phases d'excitation et de dépression. Les personnes en souffrant sont très difficiles à vivre et ont beaucoup de mal à s'intégrer, notamment à cause de leur humeur instable. Elles se présentent sous plusieurs jours différents.

    Troubles bipolaires de type 5 : ces patients sont toujours dans une phase de surexcitation, ce sont des personnes qui vivent à 200km/h et qui ont généralement des responsabilités importantes dans le cadre de leur travail. Ce sont en quelque sorte des locomotives. Ils sont dits hyperthymiques. Par contre, ils peuvent entrer à n'importe quel moment dans une phase dépressive.

    Qu'est-ce qui permet de poser le diagnostic ? Comment faire la différence avec les changements d'humeur que nous connaissons tous au gré des événements de la vie ?

    C'est avant tout la multiplicité et l'intensité des symptômes qui mettent sur la voie. Par exemple, les phases d'excitation des personnes souffrant de troubles bipolaires sont quelque peu démesurées par rapport à celles que l'on peut connaître: euphorie, désinhibition, excès en tous genre, caractérisent ces phases. D'autre part, les symptômes vont s'étaler dans la durée. Ils ont donc un caractère particulièrement invalidant dans leurs manifestations, notamment dans la vie sociale, affective, professionnelle, etc.

    Quels signes doivent alerter les proches ?

    C'est une maladie qui commence jeune (15-20 ans) mais qui n'est diagnostiquée qu'assez tard finalement car on ne sait pas forcément que l'on est malade. Ce qui alerte le plus souvent les proches, c'est la cassure par rapport à l'état antérieur, le changement de comportement qu'ils perçoivent chez la personne. Ils ne la reconnaissent plus. Les excès, les dépenses inhabituelles, une mise en danger de sa vie et surtout, les tentatives de suicide peuvent également être de bons indices. 50% des bipolaires font une tentative de suicide

    La tentative de suicide est-elle fréquente chez les personnes souffrant de troubles bipolaires ?

    La tentative de suicide est fréquente lors de périodes dépressives. Néanmoins, le risque suicidaire existe aussi lors des phases mixtes (intrication de dépression et d'excitation) ou en descente de phase maniaque. Environ 50% des personnes souffrant de troubles bipolaires font une tentative de suicide. C'est là tout l'enjeu du diagnostic précoce car il est possible, à un niveau thérapeutique, de limiter : - Les risques de désinsertion. - Les risques de suicide. - Les risques de résistance au traitement. - Les risques de comportements dangereux, de dérives, etc.

    Quelles sont les causes des troubles bipolaires ?

    Elles sont multiples et variées. De manière générale, on se réfère au modèle biopsychosocial, c'est-à-dire que l'on considère les données :

    Biologiques : même si on ne peut absolument pas parler de maladie génétique, la composante héréditaire est à prendre en compte car il existe des gènes de vulnérabilité, un terrain prédisposant.

    Psychologiques : il peut y avoir eu des événements durant l'enfance ou l'adolescence qui fragilisent la personnalité.

    Environnementales : là encore, il y a des événements qui jouent le rôle de détonateur. Cela peut être à cause d'événements stressants récurrents, de cassures de rythme, d'abus de substances psychotropes, etc.

    Est-ce une maladie qui peut se soigner ?

    Bien sûr, heureusement. Encore une fois, plus tôt le traitement est entrepris, plus efficace il est. Par ailleurs, le traitement est adapté selon les causes même des troubles. La prise en charge comprend trois pôles, médicamenteux, psychothérapique et éducationnel. Le plus souvent ces approches sont intriquées. Il est très réducteur de penser que seuls, les médicaments ou la psychothérapie, pourront arriver à bout de cette maladie. Chaque approche a sa place et il importe de ne pas sous-estimer la psychothérapie et les médicaments. Ces approches sont complémentaires, ce qui ne peut que contribuer à améliorer le résultat thérapeutique.
    Par ailleurs, je me suis beaucoup impliqué dans l'éducation thérapeutique des patients, plus fréquemment appelée psychoéducation. Elle concerne toutes les maladies chroniques comme l'asthme, le diabète,
    l'hypertension artérielle, etc. Le principe de la psychoéducation est d'aider le patient à développer des compétences dans l'adaptation à sa maladie et à l'autosoin. C'est une participation active à sa prise en
    charge.

    En quoi l'entourage peut-il être utile ?

    Les proches du malade sont en quelque sorte des aidants pour lui, des aidants qui se doivent de s'informer pour accompagner. Il très fragilisant d'aider une personne atteinte de troubles bipolaires. Il faut donc se faire aider si on veut être d'une quelconque utilité. Il faut partir du principe qu'il faut se porter bien pour aider quelqu'un qui ne l'est pas à le devenir et cela passe par prendre soin de soi.
    Yamina Saïdj

  • L'anorexie chez l'adulte

    • Si l'anorexie mentale touche majoritairement des adolescentes, il arrive cependant que des adultes soient également affectés par ce trouble majeur du comportement alimentaire.
    • Plus rare, l'apparition d'une anorexie chez des femmes de 25 ans et plus, est aussi plus grave.


    Les causes de l'anorexie adulte

    • L'apparition tardive d'une anorexie est souvent corrélée à un événement symbolique, traumatique ou simplement stressant de la vie adulte.
    • Mariage, décès d'un proche, naissance d'un premier enfant, divorce, perte de son emploi, abus sexuels subits dans l'enfance... sont autant de causes et de situations pouvant jouer un rôle déclencheur de troubles du comportement alimentaire.
    • Imperceptibles au début, les symptômes classiques de l'anorexie s'amplifient peu à peu : phobie de la nourriture, refus de s'alimenter, rejet de son apparence physique, déni d'un état de maigreur allant en s'accentuant...
    • Dans la plupart des cas, la prise en charge de la patiente adulte révèle d'anciens épisodes anorexiques brefs ou passés inaperçus.


    Les troubles chez l'anorexique adulte

    • Les troubles observés chez l'adulte sont globalement identiques à ceux constatés dans l'anorexie courante.
    • Dysfonctionnements hormonaux, aménorrhée prolongée, appareil digestif et intestinal fortement perturbés, hypothermie quasi permanente...
    • Chez l'adulte, certains troubles ont toutefois tendances à s'aggraver : fatigue cardiaque, tension en chute libre difficile à stabiliser à un niveau normal.
    • Moins de 40 % des patientes guérissent de cette maladie.


    Traitement des anorexiques adultes

    • Plus une anorexie est prise en charge tardivement plus les chances d'une guérison sans séquelle physique ou psychologique sont faibles.
    • La prise en charge thérapeutique passe obligatoirement par une hospitalisation dans des structures spécialisées où interviennent collégialement psychiatres et nutritionnistes.
    • Les thérapies varient sensiblement d'un centre spécialisé à l'autre, d'un psychiatre à l'autre : psychothérapie individuelle ou familiale, psychanalyse, thérapie cognitivo-comportementale (TCC), médicaments psychotropes de la classe des antidépresseurs sérotoninergiques (la sérotonine est en effet impliquée dans les comportements de restriction alimentaire)...
    • Quelle que soit la stratégie déployée, l'accompagnement thérapeutique est long, semé de rechutes et toujours incertain quant à l'issue de la maladie.
    • Des statistiques ont établi qu'après 10 ans d'évolution de la maladie, les patientes sont environ 10 % à décéder ; au-delà de vingt ans de maladie, elles sont 20 %.