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Pour en finir avec le mythe de la pureté

Un concept clé pour comprendre ce qu’est (ou ce que devrait être) le véganisme

Le mythe de la pureté consiste à croire que le véganisme est une question de pureté individuelle.

Croire au mythe de la pureté revient à faire du véganisme un problème purement personnel, puisque la pureté et l’intégrité d’un individu ne regardent que lui, un peu comme s’il s’agissait d’une attitude religieuse.

Il est souvent le fait des gens qui critiquent le véganisme, mais aussi de certains véganes eux-mêmes. Ainsi, certains auteurs végétariens ou végétaliens, comme Antonella Corabi dans cet article, ont soumis des critiques constructives du véganisme, en mettant en avant ce thème de la pureté personnelle. Il apparait, à la lexture de ce texte, que la pureté personnelle est un vrai problème, qui freine la progression du véganisme.

Cependant en le lisant, j’ai le sentiment qu’Antonella Corabi ne fait pas vraiment la part des choses entre ce qu’est (à ses yeux) et ce que devrait être le véganisme. L’article est intéressant car il met en lumière le fait que le véganisme est souvent présenté comme une question purement individuelle et personnelle, et en quoi c’est un problème. Et il a le mérite de rappeler que la question animale est une question de société, et que face à une question de société il est bon d’adopter une attitude politique.

 

Le véganisme est une attitude politique, et non pas une attitude de pureté individuelle. Ou, si l’on préfère, le véganisme est la mise en pratique d’une position politique qui est l’antispécisme.

Je dirais que le fait que je sois végane est le résultat de deux idées simples:

-L’idée selon laquelle tous les êtres sensibles méritent l’égale considération de leurs intérêts (antispécisme)

-L’idée que l’on doit incarner le changement que l’on doit voir dans le monde.

Ces deux idées tiennent de la politique et non de la pureté individuelle ou des questions du type religieux ou sectaire. La deuxième fait peut-être référence à ce qu’on pourrait appeler l’intégrité; mais ce n’est pas une question de pureté. Simplement, je ne vois pas comment on peut changer le monde si l’on n’arrive déjà pas à se changer soi-même. C’est la réponse à « comment peut-on changer le monde? » et non pas « comment être pure et parfaite » ou autres fantaisies.

Car je considère que les questions d’égo sont des fantaisies. Nous avons à nous occuper de choses beaucoup plus importantes.

Etre végane, attitude politique vs comportement de consommation

Qui est végane? Le citoyen ou le consommateur?

Réduire le véganisme à une attitude de consommation est une erreur aussi grossière que de le réduire à une question de pureté individuelle.

Et d’ailleurs, réduire le véganisme à une attitude de consommation revient automatiquement à l’assimiler également à une attitude de pureté. Car si le véganisme était une attitude de consommation, rien n’empêcherait un végane d’accepter, par exemple, de la nourriture contenant des produits animaux, si elle est offerte ou gratuite. Rien si ce n’est ce fameux et fumeux principe de pureté personnelle…

C’est là une grosse incohérence dans les critiques contre le véganisme émises par le mouvement animaliste lui-même. D’un côté, on reproche au véganisme d’être apolitique et d’être seulement une attitude de consommation. De l’autre, on propose d’accepter certaines « exceptions » au végétalisme puisqu’on admet que ces exceptions ne changent rien, concrètement, à la demande pour des produits animaux, et donc au destin des animaux, par exemple dans le cas où l’on se voit proposer gratuitement des aliments non véganes. Ce n’est pas cohérent.

Si je me contentais de ne pas acheter de produits animaux, alors le fait que je sois végane serait une attitude en tant que consommatrice. Mais je les refuse également lorsqu’on m’en offre. Et c’est justement parce que j’estime que l’utilisation ou la non-utilisation de produits animaux (et j’insiste sur le terme d’utilisation, et non d’ingestion, car je rappelle que le véganisme ne s’arrête pas à des questions d’alimentation), c’est une question qui fait appel à la responsabilité de chacun, mais aussi à l’idéologie de chacun. Avant d’utiliser un produit ayant nécessité l’utilisation d’un animal, je ne me demande pas « quelles vont être les conséquences sur ma prétendue pureté », ni « quelles vont être les conséquences directes de cette utilisation sur l’ensemble de l’exploitation des animaux ». Je me demande simplement si je suis pour ou contre l’utilisation d’animaux. C’est une question morale.

Je ne dis pas qu’il ne faut jamais faire aucune exception et que les exceptions sont à montrer du doigt et à condamner. Ce que je dis, c’est qu’à chaque fois qu’on a l’occasion de se demander si l’on doit ou non utiliser un produit ayant nécessité l’utilisation d’animaux, on doit se demander si l’on est pour ou contre et ce que cela implique par rapport à ce que l’on doit faire. C’est aller beaucoup plus loin que simplement s’interroger sur les conséquences d’un achat sur la demande et l’offre de produits animaux. Et c’est totalement différent d’un concept de pureté.

Je suis sure que, si j’y réfléchissais, je trouverais des situations où je pourrais être amenée à manger un produit animal. L’important est que je garde volontairement une attitude de rejet des produits animaux parce que je pense que c’est le devoir de quiconque se soucie des animaux, parce que cela correspond à la relation que je désire avoir avec les animaux, à la relation aux animaux que je voudrais dans la société que je voudrais. J’ai parfois consommé des produits animaux sans le vouloir et je ne m’en suis rendue compte qu’ensuite. Ca ne m’a pas empêché de dormir, j’ai simplement pensé « hé bien la prochaine fois, je ferais plus attention », ou même « pourtant, j’avais fait attention »…  Non, je ne me suis pas flagellée. Non, la culpabilité n’est pas mon moteur. La culpabilité n’a aucun intérêt, ce qui importe c’est de se poser les bonnes questions.

  »Prosélytisme »

Ce que l’éducation au véganisme n’est pas

L’erreur de voir le véganisme comme une question de pureté personnelle amène une autre erreur, celle de voir la promotion du véganisme comme une sorte de prosélytisme religieux.

L’éducation au véganisme n’est pas du prosélytisme. Il ne s’agit pas de convaincre les gens que le véganisme est la meilleure chose pour eux, pour qu’ils se sentent bien. Il s’agit de leur en donner la possibilité, de les informer sur le fait que ce soit possible.

Dans ce compte rendu des estivales de la question animale, il y a une critique qui m’a parfois été faite lorsque je proposais d’utiliser les ressources militantes en vue de l’éducation au véganisme.

« la lutte contre l’esclavage des Noirs n’a pas consisté à demander à chaque propriétaire d’esclave s’il souhaitait renoncer à ses esclaves et boycotter tous les produits issus du système esclavagiste, mais plutôt à imposer sur la place publique la discussion sur le bien-fondé de l’esclavage et son abolition politique, collective »

Bien sur, cette critique serait valable si nous demandions effectivement au gens s’ils souhaitent devenir véganes. Mais ce n’est pas ce qu’à mon avis nous devons faire. Nous devons informer les gens afin qu’ils sachent que l’on peut vivre sans produits animaux. Car ils ne le savent pas. Et comment pourrions-nous espérer une société sans produits animaux si les gens ignorent qu’ils peuvent vivre sans?

Bien sur, l’esclavage a toujours eu des implications économiques fortes, et les anti-esclavagistes menaçaient l’économie. Mais je ne pense pas que les gens de l’époque étaient persuadés qu’ils allaient mourir ou être très malades ou malheureux s’il n’y avait plus d’esclaves. Si cela avait été le cas, il aurait fallu parvenir à ce que la majorité des gens se détrompent sur ce point, afin de vaincre l’esclavage.

De plus, dans ce même compte-rendu, on reproche la distinction catégorique qui est faite entre « végétariens » et « véganes ». Certes, s’en prendre aux comportements individuels est une mauvaise approche, de toutes façons. Mais l’erreur est justement de distribuer les bons et les mauvais points en disant qui est un bon ou un mauvais militant selon le contenu de son assiette. Pour autant, on ne doit pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Le reproche légitime qui est fait à certains de se préoccuper de qui est un « vilain que végétarien » ou un « bon végane » ou un « mauvais végane » ne doit pas éclipser une préoccupation qui, elle, mérite qu’on s’y intéresse: que le véganisme est la meilleure voie à adopter si l’on veut défendre les animaux.

Car si l’on veut reprendre le parallèle avec l’esclavage, il me semble, en lisant ce texte que beaucoup de militants pour les droits des animaux ne sont pas véganes et ne souhaitent pas spécialement le devenir. Or, c’est comme si les militants anti-esclavagisme avaient possédé des esclaves et n’avaient pas souhaité renoncer à leur utilisation. Car on peut dire que, d’une certaine façon, une personne ovo-lacto-végétarienne utilise des animaux-esclaves.

Le but n’est pas de montrer qui que ce soit du doigt. D’ailleurs, je ne dis pas que les véganes sont exempts de toute exploitation envers qui que ce soit. Mais la caractéristique du véganisme, c’est de refuser l’exploitation tant que faire se peut.

Le but de l’éducation au véganisme n’est pas de faire du prosélytisme, de montrer aux gens que nous avons raison d’être véganes ou encore que le véganisme va résoudre tous leurs problèmes. Il ne s’agit pas d’une confrontation d’opinion, les mangeurs de steaks contre les brouteurs de salade. Il s’agit de faire en sorte qu’être végane soit quelque chose de normal et de banal pour la majorité des gens. L’éducation au véganisme ne vise pas seulement à libérer les animaux de l’exploitation dont ils sont victimes, mais également les gens eux-mêmes qui sont persuadés qu’ils doivent exploiter les animaux, alors que la plupart d’entre eux désapprouvent le traitement infligé à ces êtres sensibles, ou le désapprouveraient s’il ne leur était pas soigneusement dissimulé.

Le véganisme contre les véganes

les véganes ne sont pas le sujet

Lorsque je lis le compte rendu des estivales aussi bien que les textes d’Antonella Corabi et de Françoise Blanchon, je me dis qu’il y a un problème avec la vision du véganisme qu’on a aujourd’hui.

Certes, les véganes eux-mêmes ne sont pas étrangers à cela. Le véganisme est souvent réduit à un problème d’identité. Comme cela a d’ailleurs été souligné aux estivales, former une communauté est aussi une étape possible vers un changement social, mais cela ne doit pas faire oublier l’essentiel.

Car on parle des véganes, les véganes font ceci, les véganes font cela, mais on oublie au passage qu’ils ne sont pas le sujet. Ni les véganes, ni les végétariens, ni personne. Le sujet, c’est les animaux.

L’important c’est pas les véganes, c’est le véganisme. Le véganisme, c’est refuser en pratique l’exploitation animale. C’est donc important. Que les véganes soient purs et parfaits ou chiants et moralisateurs, c’est vraiment le dernier de mes soucis. Le fait est que le véganisme est l’attitude la plus cohérent dès lors qu’on se préoccupe des animaux.

Cela m’agace prodigieusement quand je vois que ce compte-rendu présente le véganisme comme une sorte d’idéal impossible à atteindre pour le commun des mortels. Le véganisme est ce vers quoi nous devrions tous tendre, du mieux que nous pouvons. Le reste n’est que blablas inutiles et branlette intellectuelle. Ce qu’on appelle, dans ce texte, le « terrorisme de la pureté » n’est autre qu’un ensemble de jugements individuels et de réactions à ces jugements, du fait de gens qui pensent que les autres doivent leur rendre des comptes, ou qu’ils ont des comptes à rendre aux autres militants. Ca n’a vraiment aucun intérêt. Nous ne devrions rendre de comptes qu’à nous-même, en nous positionnant par rapport aux premiers intéressés, les animaux.

Si, au lieu de s’intéresser à nos égos, au lieu de se rendre des comptes les uns aux autres, au lieu de s’intéresser à qui est le meilleur militant, qui mérite les bons et mauvais points… Si au lieu de ça nous nous demandions ce qui est le mieux pour les animaux et quels sont les moyens les plus efficaces de parvenir à leur libération, alors nous verrions qu’une des choses les plus importantes à faire est de promouvoir le véganisme. Et la grossière erreur de ce compte-rendu n’aurait pas été commise. Je fais allusion au fait que, dans ce texte, le véganisme soit présenté comme quelque chose de marginal, de difficile, d’extrême, de réservé à une élite… Présenter le véganisme de cette façon est, à mon avis, une entrave à la libération des animaux.

Le véganisme apparait parfois comme difficile ou impossible parce que nous vivons dans une société qui est basée sur l’exploitation des animaux. Mais en réalité, si l’on s’affranchit de certaines peurs et idées préconçues, être végane n’est ni impossible, ni difficile. Il ne s’agit pas d’un idéal à atteindre. Il s’agit tout simplement d’essayer de vivre en refusant l’exploitation des animaux et de participer à cette exploitation. Il n’y a pas de comptes à rendre, il n’y a pas de bons ou de mauvais points à distribuer, il n’y a pas de degré de pureté personnelle à fixer. Il y a simplement à se poser les bonnes questions.

Une fois qu’on a décidé de surmonter ces difficultés, elles apparaissent comme dérisoires. Ce qui ne veut pas dire qu’elles n’existent pas, ou que les gens sont idiots de les voir comme importantes. Simplement, être végane est beaucoup, beaucoup plus facile que ce qu’imaginent la plupart des gens – et même au sein du mouvement animaliste, comme le compte-rendu des estivales le suggère.

On ne devrait peut-être même pas dire « être végane ». Mais c’est plus court que si on disait: « être contre l’exploitation des animaux et mettre cette idéologie en pratique »… Car le véganisme n’est rien d’autre que cela.

via : lesquestionscomposent.fr

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