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  • La sexualité du quatrième type


    Écrit par Annabelle Boffa et Thibaut Dachy


    Depuis quelques années, l'asexualité fait son "coming-out". Les "A" pour asexuels ne ressentent ni désir, ni attirance sexuelle. À l'heure de la surmédiatisation du sexe, zoom sur cette orientation nouvelle.

    Une sexualité fait de plus en plus parler d'elle. C'est l'asexualité. Le réseau d'entraide des asexuels francophones et d'information sur l'asexualité (AVEN) la définit.

    Asexuel(le): personne qui ne ressent pas d'attirance sexuelle pour les autres. Ce réseau revendique simplement que cette identité "A" soit reconnue au même titre que l'hétérosexualité, l'homosexualité ou la bisexualité.

    Asexualité, quid?

    L'asexualité existe probablement depuis toujours, comme les autres tendances sexuelles.

    Mais c'est en 1948, que le Dr. Alfred Kinsey évoque ce terme dans ses rapports sur la sexualité ("Sexual Behaviour in the Human Male").

    C'est d'ailleurs en se basant sur l'échelle de Kinsey, représentant sur une ligne droite les orientations sexuelles communément admises, que AVEN (Asexual Visibility and Education Network) a établi le symbole de l'asexualité). En descendant dans la pointe du triangle, l'individu se rapproche de plus en plus d'une attirance sexuelle inexistante.

    En 1994, une étude en Grande-Bretagne soulignait déjà que 1% de la population sondée n'a "jamais ressenti d'attirance sexuelle pour quiconque". Mais c'est depuis 2001 que l'asexualité s'est médiatisée avec le "coming-out" d'un jeune Américain, David Jay. A l'âge de 19 ans, il créa le site AVEN. Plus de 10.000 personnes de toutes les origines seraient inscrites actuellement sur le forum www.asexuality.org (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Canada, Europe, Australie, Argentine, Singapour et Afrique du Sud).

    Qui est-ce?

    Selon la jeune hollandaise Geraldin Levi Joosten-van Vilsteren, auteur de "L'amour sans le faire, comment vivre sans libido dans un monde où le sexe est partout?", 3 à 10% de la population mondiale a "une absence d'intérêt total pour le sexe" (1). En 2008, le site AVEN lance une étude pour recenser ses membres (2). Sur les 300 personnes inscrites, 247 se sont identifiées comme asexuelles. 71% de ces dernières sont des femmes et plus de la moitié détient un diplôme supérieur de bachelier (BAC+3) ou étudie encore à l'université. La majorité des sondés n'a pas de religion (53,8%) ou est catholique (25,6%). Enfin, près de la moitié est issue des Etats-Unis (46,6%) et seulement 9,6% de l'Europe (une seule personne belge). Le slogan de l'activiste David Jay prend donc son sens: "L'asexualité ne concerne pas que les amibes" (3).

    Les "A"-part

    Difficile, pour cette identité sexuelle du quatrième type, de trouver une place au sein d’une société "hypersexualisée".

    Les "A" disent se sentir en décalage par rapport aux publicités, aux clips vidéo, au cinéma ou à Internet où les représentations sexuelles sont omniprésentes. Actuellement, les modes habillent les enfants de moins de 10 ans avec des mini-jupes et des cuissardes, même la représentation de soi est fortement connotée.

    Dans "La révolution asexuelle" Jean-Philippe de Tonnac (4), nuance toutefois ce rejet des diktats du sexe normatif de la société d’aujourd’hui. Le terme "révolution" est ici utilisé pour figurer le soulagement d’oser assumer l’absence de désir. Mais cette absence est loin d’être comprise par l’entourage des asexuels. Elle est souvent considérée comme anormale et, d’après certains témoignages, elle est associée à des troubles de la sociabilité ou à des traumatismes.

    Hermione, sur le forum de AVEN, déclare que les hommes sont nombreux à vouloir absolument mettre une cause sur son asexualité. Ils pensent que son éducation sexuelle souffre de lacunes ou alors qu’elle n’a rencontré que des goujats et qu’ils pourront la remettre sur le "droit chemin". Si elle avoue avoir énormément de compassion pour les "S", elle se plaint du manque de retour de ce sentiment.

    Les membres du forum sont nombreux à retenir une stigmatisation de leur différence. En regard de la jeunesse du mouvement des asexuels volontaires, ils estiment, avec un certain optimisme, que les quolibets s’estomperont avec le temps et que la peur de la différence finira par disparaître.

    Une réponse, deux hypothèses

    Pour ce qui est de l’avenir, le professeur Armand Lequeux, membre de l’Institut d’études de la famille et de la sexualité à l’UCL, avance plusieurs hypothèses (5).

    Il estime que le courant asexuel pourrait être l’amorce d’un mouvement qui montrerait que l’hyperérotisation de la société a été trop loin.

    L’utilisation systématique et abusive du vecteur "sexe" dans la société marchande aurait déclenché une mécanique infernale. En reprenant l’idée de tyrannie du plaisir de Jean-Claude Guillebaud (6), il avance que l’omniprésence du désir de la chair conduirait à l’extinction de l’espèce. A

    près la libération des mœurs où le sexe défendu est devenu le sexe autorisé, la société aurait en un très court laps de temps érigé le sexe obligatoire au rang de norme. Nombreuses sont les études sociologiques et médicales qui mettent en avant des nombres moyens de rapports idéaux, des liens entre sexualité et bonne santé, etc.

    Une telle pression sur notre sexualité transformerait nos désirs en besoins et nos manques en frustrations. Le retour de flamme pourrait logiquement nous ramener à l’ère du sexe défendu ou alors, dans une version plus positive, nous propulser dans une société plus subtile où la pudeur et le désir cohabiteraient harmonieusement.

    Pour sa deuxième hypothèse, Armand Lequeux avance que l’identité sexuelle du quatrième type pourrait être une réponse à l’aplanissement des différences entre hommes et femmes. L’égalité des sexes conduirait à l’indifférence sexuelle. Il est bien connu que la différence et l’inconnu suscitent le désir, tandis que le connu lasse et laisse de marbre.

    Face à cette inhibition sexuelle, deux chemins existent. Celui, plutôt inquiétant, d’un individualisme exacerbé et d’une solitude sexuelle qui mèneraient à une sexualité de laboratoire, pour éviter l’extinction de l’espèce. Le chemin plus rassurant, c’est celui d’une asexualité comme étape transitoire vers une spiritualisation des rapports sociaux. Oublier l'idée de pouvoir assouvir ses désirs instinctifs.





    Sources: www.asexuality.org/fr, www.asexuality.org
    (1) Geraldin Levi Joosten-van Vilsteren, "L'amour sans le faire, comment vivre sans libido dans un monde où le sexe est partout?", Editions Favre, 2005.

    (2) Chiffres de l'étude sur http://www.asexuality.org/home/2008_stats.html

    (3) Traduit de l'anglais: "Asexuality: it's not just for Amoebas anymore!"

    (4) Jean-Philippe de Tonnac, La révolution asexuelle", Albin Michel, 2006

    (5) Voir article d'opinion sur Lalibre.be du 13/03/2008

    (6) Jean-Claude Guillebaud, "La Tyrannie du plaisir", Points, 1998
    Commentaires

  • « Aider le patient à s'adapter à ses troubles bipolaires»





    Diagnostic, prise en charge, traitement... Le point sur les troubles bipolaires avec le Dr Christian Gay, psychiatre à la clinique du château de Garches et cofondateur de l’association France Dépression.




    Quand dit-on d'une personne qu'elle est maniaco-dépressive ?

    Dr Christian Gay : Aujourd'hui, on ne parle plus vraiment de troubles maniaco-dépressifs mais plutôt de troubles bipolaires de type 1. En effet, il existe différentes formes de troubles bipolaires, que l'on distingue les unes des autres d'après l'intensité et la fréquence des symptômes. De manière générale, lorsque l'on parle de troubles bipolaires de type 1, on fait référence à une alternance entre des phases d'excitation et de dépression. Entre les deux, il y a des périodes normales, que l'on appelle les intervalles libres. Si aucun traitement n'est entrepris, il y a un risque d'accélération des cycles et présence de symptômes résiduels durant les intervalles libres. C'est ainsi qu'après quelques années sans traitement, le trouble qui était périodique peuit devenir chronique. Selon l'Organisation mondiale de la santé, les troubles bipolaires sont la 6e cause de handicap dans le monde chez les personnes âgées de 15 à 44 ans et occupent la 9e position de nombre de "daly" (nombre d'années de vie perdues ou d'invalidité). En France, les troubles bipolaires de type 1 et 2 concernent entre 1% et 2% de la population.

    Quelles sont les différentes formes de troubles bipolaires ?


    Il en existe 5 :

    Troubles bipolaires de type 1 : ce sont des troubles maniaco-dépressifs à proprement parler. Si une phrase devait résumer l'état d'esprit des patients qui en souffrent, ça serait "je suis le champion du monde toutes catégories et rien ni personne ne pourra me déloger de mon piédestal". Un sentiment d'invincibilité, de puissance caractérise le malade qui est dans un délire de grandeur.

    Troubles bipolaires de type 2 : ils sont plus fréquents mais restent sous-évalués car les manifestations sont plus discrètes et moins prononcées que dans le type 1.
    Le tempérament de la personne qui en souffre reste assez nuancé : elle respire une certaine joie de vivre, réduit son temps de sommeil, a une sensibilité exacerbée... Ces personnes arrivent à rester intégrées mais elles peuvent facilement se mettre en péril à cause de leur optimisme naïf.

    Troubles bipolaires de type 3 : ce type de troubles s'exprime par un état de surexcitation suite à la prise d'antidépresseurs.

    Troubles bipolaires de type 4 ou troubles cyclothymiques. Dans ce cas, il y a alternance de phases atténuées avec des phases d'excitation et de dépression. Les personnes en souffrant sont très difficiles à vivre et ont beaucoup de mal à s'intégrer, notamment à cause de leur humeur instable. Elles se présentent sous plusieurs jours différents.

    Troubles bipolaires de type 5 : ces patients sont toujours dans une phase de surexcitation, ce sont des personnes qui vivent à 200km/h et qui ont généralement des responsabilités importantes dans le cadre de leur travail. Ce sont en quelque sorte des locomotives. Ils sont dits hyperthymiques. Par contre, ils peuvent entrer à n'importe quel moment dans une phase dépressive.

    Qu'est-ce qui permet de poser le diagnostic ? Comment faire la différence avec les changements d'humeur que nous connaissons tous au gré des événements de la vie ?

    C'est avant tout la multiplicité et l'intensité des symptômes qui mettent sur la voie. Par exemple, les phases d'excitation des personnes souffrant de troubles bipolaires sont quelque peu démesurées par rapport à celles que l'on peut connaître: euphorie, désinhibition, excès en tous genre, caractérisent ces phases. D'autre part, les symptômes vont s'étaler dans la durée. Ils ont donc un caractère particulièrement invalidant dans leurs manifestations, notamment dans la vie sociale, affective, professionnelle, etc.

    Quels signes doivent alerter les proches ?

    C'est une maladie qui commence jeune (15-20 ans) mais qui n'est diagnostiquée qu'assez tard finalement car on ne sait pas forcément que l'on est malade. Ce qui alerte le plus souvent les proches, c'est la cassure par rapport à l'état antérieur, le changement de comportement qu'ils perçoivent chez la personne. Ils ne la reconnaissent plus. Les excès, les dépenses inhabituelles, une mise en danger de sa vie et surtout, les tentatives de suicide peuvent également être de bons indices. 50% des bipolaires font une tentative de suicide

    La tentative de suicide est-elle fréquente chez les personnes souffrant de troubles bipolaires ?

    La tentative de suicide est fréquente lors de périodes dépressives. Néanmoins, le risque suicidaire existe aussi lors des phases mixtes (intrication de dépression et d'excitation) ou en descente de phase maniaque. Environ 50% des personnes souffrant de troubles bipolaires font une tentative de suicide. C'est là tout l'enjeu du diagnostic précoce car il est possible, à un niveau thérapeutique, de limiter : - Les risques de désinsertion. - Les risques de suicide. - Les risques de résistance au traitement. - Les risques de comportements dangereux, de dérives, etc.

    Quelles sont les causes des troubles bipolaires ?

    Elles sont multiples et variées. De manière générale, on se réfère au modèle biopsychosocial, c'est-à-dire que l'on considère les données :

    Biologiques : même si on ne peut absolument pas parler de maladie génétique, la composante héréditaire est à prendre en compte car il existe des gènes de vulnérabilité, un terrain prédisposant.

    Psychologiques : il peut y avoir eu des événements durant l'enfance ou l'adolescence qui fragilisent la personnalité.

    Environnementales : là encore, il y a des événements qui jouent le rôle de détonateur. Cela peut être à cause d'événements stressants récurrents, de cassures de rythme, d'abus de substances psychotropes, etc.

    Est-ce une maladie qui peut se soigner ?

    Bien sûr, heureusement. Encore une fois, plus tôt le traitement est entrepris, plus efficace il est. Par ailleurs, le traitement est adapté selon les causes même des troubles. La prise en charge comprend trois pôles, médicamenteux, psychothérapique et éducationnel. Le plus souvent ces approches sont intriquées. Il est très réducteur de penser que seuls, les médicaments ou la psychothérapie, pourront arriver à bout de cette maladie. Chaque approche a sa place et il importe de ne pas sous-estimer la psychothérapie et les médicaments. Ces approches sont complémentaires, ce qui ne peut que contribuer à améliorer le résultat thérapeutique.
    Par ailleurs, je me suis beaucoup impliqué dans l'éducation thérapeutique des patients, plus fréquemment appelée psychoéducation. Elle concerne toutes les maladies chroniques comme l'asthme, le diabète,
    l'hypertension artérielle, etc. Le principe de la psychoéducation est d'aider le patient à développer des compétences dans l'adaptation à sa maladie et à l'autosoin. C'est une participation active à sa prise en
    charge.

    En quoi l'entourage peut-il être utile ?

    Les proches du malade sont en quelque sorte des aidants pour lui, des aidants qui se doivent de s'informer pour accompagner. Il très fragilisant d'aider une personne atteinte de troubles bipolaires. Il faut donc se faire aider si on veut être d'une quelconque utilité. Il faut partir du principe qu'il faut se porter bien pour aider quelqu'un qui ne l'est pas à le devenir et cela passe par prendre soin de soi.
    Yamina Saïdj

  • L'anorexie chez l'adulte

    • Si l'anorexie mentale touche majoritairement des adolescentes, il arrive cependant que des adultes soient également affectés par ce trouble majeur du comportement alimentaire.
    • Plus rare, l'apparition d'une anorexie chez des femmes de 25 ans et plus, est aussi plus grave.


    Les causes de l'anorexie adulte

    • L'apparition tardive d'une anorexie est souvent corrélée à un événement symbolique, traumatique ou simplement stressant de la vie adulte.
    • Mariage, décès d'un proche, naissance d'un premier enfant, divorce, perte de son emploi, abus sexuels subits dans l'enfance... sont autant de causes et de situations pouvant jouer un rôle déclencheur de troubles du comportement alimentaire.
    • Imperceptibles au début, les symptômes classiques de l'anorexie s'amplifient peu à peu : phobie de la nourriture, refus de s'alimenter, rejet de son apparence physique, déni d'un état de maigreur allant en s'accentuant...
    • Dans la plupart des cas, la prise en charge de la patiente adulte révèle d'anciens épisodes anorexiques brefs ou passés inaperçus.


    Les troubles chez l'anorexique adulte

    • Les troubles observés chez l'adulte sont globalement identiques à ceux constatés dans l'anorexie courante.
    • Dysfonctionnements hormonaux, aménorrhée prolongée, appareil digestif et intestinal fortement perturbés, hypothermie quasi permanente...
    • Chez l'adulte, certains troubles ont toutefois tendances à s'aggraver : fatigue cardiaque, tension en chute libre difficile à stabiliser à un niveau normal.
    • Moins de 40 % des patientes guérissent de cette maladie.


    Traitement des anorexiques adultes

    • Plus une anorexie est prise en charge tardivement plus les chances d'une guérison sans séquelle physique ou psychologique sont faibles.
    • La prise en charge thérapeutique passe obligatoirement par une hospitalisation dans des structures spécialisées où interviennent collégialement psychiatres et nutritionnistes.
    • Les thérapies varient sensiblement d'un centre spécialisé à l'autre, d'un psychiatre à l'autre : psychothérapie individuelle ou familiale, psychanalyse, thérapie cognitivo-comportementale (TCC), médicaments psychotropes de la classe des antidépresseurs sérotoninergiques (la sérotonine est en effet impliquée dans les comportements de restriction alimentaire)...
    • Quelle que soit la stratégie déployée, l'accompagnement thérapeutique est long, semé de rechutes et toujours incertain quant à l'issue de la maladie.
    • Des statistiques ont établi qu'après 10 ans d'évolution de la maladie, les patientes sont environ 10 % à décéder ; au-delà de vingt ans de maladie, elles sont 20 %.