Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Vivre son asexualité dans un monde hétéronormatif ?

 Source Being Asexual In A Heteronormative World http://www.sopeople.fr/actualites/vivre-son-asexualite-dans-un-monde-heteronormatif/

"L'hétéronormativité part du principe que, dans notre culture, l'hétérosexualité est la norme et que tout individu qui en dévie - parce qu'il est homosexuel, asexuel, etc. - est mis, par définition, en minorité. Tous les jours, des personnes qui ne se sentent pas hétéronormatives sont contraintes de vivre dans une culture à laquelle ils n'appartiennent pas mais qui leur est aussi de plus en plus imposée. Croyez-en une asexuelle (une "as") : refuser de se conformer à l'hétéronormativité d'une société obnubilée par le sexe est un réel facteur d'isolation. A la télé ou au cinéma - et notamment dans les scènes très crues de la chaîne HBO ou les intrigues tournant exclusivement autour de la possibilité de sortir avec une personne du sexe opposé -, et même au supermarché, quand vous tombez sur la couverture de Cosmo annonçant fièrement "101 trucs pour combler votre homme sous la couette" ou de Sport Illustrated sur "les mannequins pour maillots de bains les plus sexy", le sexe est partout.

Mais l'aliénation que nous éprouvons au contact de nos amis et de notre famille rivalise avec celle que véhiculent les médias. Même mes amis gays parlent de leurs relations sexuelles, et leur mur Facebook est plein d'images et de statuts en rapport avec le mariage, les fiançailles, les naissances et les premiers rendez-vous. Quand je sors avec des ami(e)s, il y en a toujours un(e) pour faire des remarques sur le charme des personnes que nous croisons dans la rue. Presque constamment, tous les jours, quelque chose me rappelle que je suis anormale, et que je n'ai pas ma place dans ce monde.

Ceux pour qui la question de la normativité ne se pose pas auront peut-être du mal à comprendre cela. Ils ont une vie plus ou moins épanouie, et ils connaissent quelques personnes qui ne sont ni hétéro, ni sexuelles, ni cisexuelles, mais ils n'ont pas vraiment conscience de l'impact que cette situation a sur elles. Pour eux, ces personnes sont l'exception à la règle. D'ailleurs, ils ne voient même pas cela comme une règle mais comme quelque chose qui relève de la normalité. C'est la vie. C'est leur vie.

A titre de comparaison, pensez à n'importe quel événement sportif d'envergure auquel vous ne participez pas : la Coupe du monde, Wimbledon ou les Jeux olympiques. Souvenez-vous du budget publicitaire qui lui est consacré - où que vous tourniez la tête, des magasins vous vendent des articles en rapport avec cette manifestation sportive, comme des T-shirts, des casquettes et des accessoires ridicules. Les supermarchés organisent des promotions sur cette thématique, et vous ne pouvez pas allumer la télé cinq minutes sans voir une pub mettant en scène un sportif de haut niveau, ou une quantité invraisemblable de bandes-annonces pour la compétition elle-même. Toutes les grandes enseignes s'y mettent, avec des affiches gigantesques pour des boissons énergisantes ou des chaussures de sport. Il est même impossible d'aller faire ses courses sans entendre des conversations sur le sujet, et vous devez faire attention de ne pas vous prendre un panneau représentant un sportif grandeur nature !

Si vous travaillez dans un bureau, il y a toujours au moins une cagnotte, les gens n'arrêtent pas d'en parler, et votre collègue insupportable couvre son espace de travail de figurines et de fanions aux couleurs de son équipe préférée. Sans oublier la demi-douzaine de voisins qui proposent de regarder les matches à plusieurs, et un million d'annonces sur les réseaux sociaux qui soutiennent une équipe ou démolissent l'équipe adverse. La plupart des journaux et des magazines en font leurs choux gras, les athlètes font soudain l'objet de documentaires, et le line-up des talk shows n'est soudain composé que de sportifs de haut niveau.

Je pense que vous voyez à présent ce dont je parle et, lors de la prochaine Coupe du monde ou des prochains Jeux, vous vous souviendrez probablement de l'agacement que ces manifestations vous inspirent, et combien vous aimeriez que les gens la ferment un peu, faute de quoi vous vous réfugierez dans un container insonorisé et sans lumière, rien que pour leur échapper. Voilà ce que c'est que de vivre dans une culture aliénante. Le pire, c'est qu'en tant qu'asexuelle, ceci ne m'arrive pas une fois par an, ou tous les quatre ans, mais tous... les... jours.

Je n'en veux à personne de se conformer à l'idéal de la vie à deux. Je suis consciente des nécessités biologiques, et je sais que les raisons de ce phénomène hétéronormatif sont évidentes. Il est naturel qu'une espèce fasse tout ce qu'elle peut pour survivre et se reproduire. Dans le même temps, il est difficile pour ceux qui ne s'y conforment pas de vivre dans un monde qui leur est étranger. Surtout qu'il est impossible d'y échapper : je ne peux même pas rejoindre une communauté hippie, comme ce serait le cas faire si j'en avais marre du capitalisme, de la cupidité et des aliments transformés.

Même si j'apporte un soutien inconditionnel à la communauté LGBTQ, aux transexuels et à leurs alliés, qui s'efforcent chaque jour de faire reconnaître leurs droits, le combat est quelque peu différent pour les asexuels (les "as"). Nous ne demandons pas la reconnaissance de nos droits civiques, mais qu'on nous accepte dans cet océan d'hétérosexualité.

L'hétéronormativité nous est imposée chaque jour par la société, ce qui nous révolte en permanence, à l'intérieur et à l'extérieur, même si nous savons pertinemment que c'est un combat perdu d'avance. La société ne changera pas, et nous non plus. Nous ne pouvons cependant nous empêcher de lutter pour préserver notre individualité, de nous distancer de cette culture à laquelle nous n'appartenons pas, et de tenter de préserver notre propre identité.

J'aimerais parfois être normale. Je ne supporte pas ce conflit, ce rappel permanent de ma "différence" (dans le meilleur des cas), ou de mon "anormalité" (dans le pire des cas). Il y a des jours, et même des périodes, où j'aimerais être hétérosexuelle, pour être comme les autres, cesser le combat, trouver ma place dans la société et ne plus avoir à me poser de questions. Mais ça ne dure jamais, parce que je sais que ce qui me dégoûterait encore plus serait de me conformer à ce que la société attend de moi."

Les commentaires sont fermés.